Notre grand témoin du mois :
Jean-Pierre Le Goff

Jean-Pierre Le Goff

Mois d'octobre
À chaque fois la même indignation  : « Plus jamais ça ! »

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Face à la barbarie et à la guerre

Agression russe et guerre en Ukraine, massacres et enlèvements perpétués par le groupe terroriste Hamas en Israël, bombardements et guerre dans la bande de Gaza, attentats islamistes sur le sol européen… Après les années d’illusion d’un monde pacifié par une « mondialisation heureuse » accompagnée d’une vision angélique de droits de l’homme supposés être partagés par tous les pays du monde, les massacres et les guerres ressurgissent dans le quotidien de nos vies avec des effets de sidération.

Les informations et les images en direct et en continu démultiplient l’impact émotionnel. Nous assistons médusés à des scènes de barbarie et des crimes de guerre qui se déroulent sous nos yeux tout en les vivant à distance et passivement. Citoyens émus, énervés ou en colère mais impuissants, nous faisons face à des tragédies qui nous bouleversent. Nous sommes entrés dans un univers anxiogène qui nous confronte au tragique de l’histoire dans une situation historique nouvelle où les événements sont devenus inséparables des grands moyens d’information audio-visuels et des réseaux sociaux.

Dans une période historique marquée par des formes nouvelles de désocialisation et de déculturation, ce flux d’informations, d’images, de commentaires peut nous faire basculer dans le chaos. Comment s’y retrouver, démêler le vrai du faux dans ce flot ininterrompu d’images-chocs, de scènes de barbarie et de guerre, de propagande et de fausses nouvelles ? Pour reprendre des termes d’Hannah Arendt, c’est la confiance qui nous lie au monde et aux autres qui est atteinte, entraînant un sentiment de vide intérieur et d’anxiété. L’appréhension de la réalité et la raison s’embrouillent ; la réactivité et l’émotion dominent dans un monde qui paraît tout entier livré au chaos.

Habitués depuis longtemps à vivre en paix dans une pays démocratique, nous sommes désarmés face à la barbarie et la guerre. Nous avons multiplié les déclarations de principes, les cérémonies, les marches blanches, nous avons allumé des bougies, apporté des fleurs… Ce sont exprimées de la sorte notre émotion et notre solidarité envers les victimes. À chaque fois la même interrogation : « Pourquoi ? » et la même indignation  : « Plus jamais ça ! ». Chaque nouvel attentat terroriste en France et en Europe relance cette interrogation et ce rejet, sans bien comprendre à quel fanatisme nous avons affaire.

Les peuples européens ont encore du mal à admettre que nous avons des ennemis qui haïssent la démocratie, notre culture, et veulent nous détruire. Le problème, comme l’a justement souligné Julien Freund, est, que même si vous ne voulez pas d’ennemi, « c’est l’ennemi qui vous désigne » : « Et s’il vous choisit vraiment comme ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles prestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera de cultiver votre jardin. »

Lors des attentats terroristes, certains peinent encore à désigner clairement la nature islamiste du terrorisme en question, par crainte de stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane. On a laissé des imans financés par des pays fondamentalistes prêcher la haine contre la démocratie, les juifs, les chrétiens et tous les « mécréants ». La dénonciation de l’« islamophobie » a servi à faire taire les critiques de l’islamisme et à dénier la réalité ; la mise à mal de notre propre histoire a abouti à une « mémoire pénitentielle ». Chaque attentat islamiste nous afflige et les cérémonies de deuil, les discours officiels qui se succèdent donnent désormais l’impression de « déjà vu » et d’impuissance de l’État. C’en est trop.

Ces événements tragiques appellent des réponses politiques fermes et cohérentes. Il ne suffit pas de condamner pour la énième fois ces horreurs avec de grandes déclarations solennelles. Il est temps d’en finir avec cette mésestime de nous-mêmes qui nous désarme, avec les tergiversations et les demi-mesures.

Il importe avant tout à l’État d’être à la hauteur d’une telle situation, en exerçant fermement, dans le cadre de l’État de droit, la répression et la violence légitime contre les ennemis qui veulent détruire la République et les acquis de notre civilisation. C’est la condition pour que les citoyens retrouvent la confiance dans les institutions démocratiques et l’unité nécessaire pour affronter les nouveaux désordres de monde.